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Un actif sur cinq risque de développer un trouble mental en lien avec son emploi

Le 26 novembre 2018

Une étude de la Fondation Pierre Deniker, présentée ce lundi, dévoile qu’un travailleur sur cinq souffre au point de risquer de tomber en dépression, burn-out, addiction…

  • Alors qu’on parle beaucoup de dépressions, addictions, burn-out, une étude d’Ipsos pour la Fondation Pierre Deniker, dévoilée ce lundi, croise cette détresse psychologique et les conditions de travail.
  • En France, un actif sur cinq présente une détresse orientant vers un trouble mental.
  • Qui sont les personnes qui souffrent le plus ? Quels sont les facteurs aggravants ou qui protègent ? Ces résultats pourraient aider l’Etat mais aussi les entreprises à hiérarchiser des actions de prévention des risques psycho-sociaux.

« Je n’ai jamais entendu un patron du CAC 40 s’inquiéter pour la santé de ses salariés », ironise le psychiatre Patrick Légeron. Ce spécialiste a piloté une vaste étude épidémiologique* sur la santé mentale des actifs pour la Fondation Pierre Denicker, dévoilée ce lundi au Conseil économique, social et environnemental (CESE). Objectif : évaluer la détresse des actifs au travail et ainsi révéler ou rappeler l’ampleur de ce mal-être, qui peut se muer en dépression, en arrêts de travail, au pire en suicides.

Un Français sur cinq en détresse

Le monde du travail a bien changé en quelques années. Horaires décalés, mails 24 heures sur 24, sollicitations permanentes, durées de transports qui explosent, outils technologiques qui évoluent en permanence… De nouvelles habitudes qui se sont accompagnées de nouveaux maux.

« A mesure que la santé physique s’améliore, que la pénibilité est mieux prise en compte, on prend la mesure du poids de la santé mentale au travail », insiste Raphaël Gaillard, psychiatre et président de la Fondation Pierre Deniker. Un constat partagé au sein des entreprises, notamment par Jean-Christophe Sciberras, directeur de ressources humaines chez Solvay. « Dans notre groupe, nous avons découvert qu’il y avait plus de burn-out que d’accidents du travail alors que l’attention de l’entreprise était beaucoup plus focalisée sur la santé physique. Quand on commence à compter, cela peut changer les choses. » Si, depuis dix ans, on entend beaucoup parler de burn-out, de bore-out, de brown-out, mais aussi de dépressions liées à la vie professionnelle, la France manque de chiffres clairs et d’enquêtes pour mesurer l’ampleur du phénomène.

Qui sont les actifs les plus fragilisés ?

D’où l’intérêt de cette étude. « Nous disposons de recherches sur le monde du travail et sur la santé mentale des Français, mais nous ne croisons pas les deux », relève Raphaël Gaillard. Cette enquête dévoile donc un chiffre choc : 22 % des actifs « présentent une détresse orientant vers un trouble mental » (dépression, addiction, burn-out…). Une proportion plus importante chez les femmes (26 % contre 19 % pour les hommes), chez les aidants (28 % contre 19 % pour ceux qui n'ont pas cette responsabilité) et pour ceux qui effectuent plus d’1h30 de transport quotidien (28 % contre 21 % pour ceux qui ont moins d'1h30 de transport).

Pourquoi tant de précautions dans ces termes alambiqués ? Ne pouvant se substituer au psychiatre et à des mois de consultation avant de poser un diagnostic, l’enquête « ne souligne pas un lien de causalité, mais une correspondance », insiste Raphaël Gaillard et parle donc de « détresse risquée » plutôt que de « symptômes » d’une maladie psychiatrique. Si vous êtes une femme, que vous jonglez entre les horaires de l’école de vos enfants et les rendez-vous médicaux de votre mère dépendante, que vous habitez à deux heures de votre bureau, vous avez donc plus de chance d’exploser en vol…

Quels sont les facteurs de risque les plus importants ?

Pour la première fois, cette enquête révèle les facteurs aggravants de cette détresse périlleuse, donnant ainsi les moyens aux entreprises de réfléchir à une meilleure prévention. Pour y parvenir, l’institut Ipsos a croisé des informations sur l’exposition de 3.200 travailleurs à 44 facteurs de risques psychosociaux liés au travail avec l’évaluation de leur détresse. Résultat ? Sans surprise, ceux qui risquent de partir en dépression sont ceux qui souffrent d’un déséquilibre entre vie professionnelle et personnelle : 45 % contre 18 % chez ceux qui ont d’autres choses dans leur vie que les objectifs annuels, mails pros et tableaux Excel.

Mais ces facteurs de risque diffèrent selon certains profils. Chez les salariés et les femmes, ne pas avoir un travail valorisant joue beaucoup dans l’apparition de ce malaise, tandis que chez les indépendants, c’est l’inquiétude pour son avenir professionnel qui fait pencher la balance. « Ce qui m’a frappé, c’est qu’une femme sur cinq souffre d’avoir au travail une ou plusieurs personne qui prend plaisir à les faire souffrir, souligne Fatma Bouvet de la Maisonneuve, psychiatre et membre du CESE. Cela soulève la question de l’éthique et de la malveillance au travail. »

Comment faire mieux ?

Ces informations viennent enrichir et renforcer des alertes lancées depuis quelques années. Non, le harcèlement n’est pas l’apanage de la rue. Non, la solidarité des collègues ne va pas de soi, même pour les aidants, qui sont 30 % à souffrir de personnes mal attentionnées.

Une fois ce constat établi, reste à trouver les solutions pour mettre un coup de frein à ce malaise galopant et à ces troubles psychiques encouragés par des conditions de travail difficiles. « Il faut renforcer les éléments protecteurs, dévoilés par cette enquête : l’ambiance de travail, la fierté de son emploi et s’occuper des indépendants », avance Muriel Sanchez, déléguée générale de la Fondation BTP +. « Mais aussi se pencher sur la culture managériale, le décloisonnement entre RH et médecine du travail et l’exemplarité des dirigeants, ce qui n’est pas forcément le plus facile à obtenir », reconnaît Nicolas Brosset, médecin du travail et formateur risques psychosociaux pour le Groupe PSA. « Mieux équilibrer vie personnelle et professionnelle est un enjeu fondamental mais compliqué pour des entreprises mondialisées qui travaillent sur quinze créneaux horaires différents », nuance le DRH de Solvay.

Orienter des actions de l’Etat et des entreprises

Cette assemblée de médecins et de spécialistes des RH a donc appelé de ses vœux des engagements forts de l’État, mais aussi des entreprises, pour que ces indicateurs nourrissent une vraie politique de prévention. « Cette objectivation va nous permettre d’orienter des actions, espère le psychiatre Patrick Légeron. D’autant que nous sommes dans la mauvaise moitié de l’Union européenne : 30 % des entreprises françaises ont mis en place une politique du bien-être contre 50 % en moyenne en Europe. Il faut que les entreprises sachent qu’un budget pour la prévention, ce n’est pas de l’argent gâché, mais économisé. » « On ne peut plus continuer à dépenser autant d’argent sur ce qui aurait pu être évité », renchérit Jean-François Naton, vice-président du CESE, section travail et emploi. « Derrière ces chiffres, il y a des hommes, des femmes qui en pâtissent mais aussi des entreprises, rappelle de son côté Jean-Christophe Sciberras de Solvay. L’urgence est sociale et économique. »

* Etude Ipsos menée sur 3.200 actifs représentatifs de la population français réalisée du 27 février au 6 mars 2018 sur Internet.

Source :
https://www.20minutes.fr/sante/2380935-20181126-sante-travail-actif-cinq-risque-developper-trouble-mental-lien-emploi

Tag(s) : #Divers Faits
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