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Mort de Selom et Matisse : le quartier de Lille-Fives s’interroge sur sa double identité

10 février 2018 Par Jérôme Hourdeaux

La mort des deux jeunes, fauchés par un train alors qu’ils fuyaient la police en décembre dernier, a profondément marqué le quartier populaire de Fives, à Lille. Elle est intervenue dans un contexte de tensions croissantes entre certains jeunes et une partie des habitants qui, depuis un an, réclament une plus forte présence policière. Ce drame résume l’histoire de ce quartier en voie de gentrification après des années d'abandon.

« Pourquoi les jeunes fuient-ils quand ils voient la police ? » Cette question était sur toutes les lèvres lors de la marche blanche organisée le samedi 13 janvier en mémoire de Selom, 20 ans, et Matisse, 17 ans, fauchés par un train le 15 décembre dernier dans le quartier de Fives à Lille.

Ce jour-là, Selom, Matisse, Ashraf et Aurélien traînent dans la cité Saint-Maurice, derrière laquelle passe une voie ferrée. Selon la version des faits donnée par Aurélien sur France 3, les amis sont là, « tranquillement à fumer un petit joint ». Six policiers de la Brigade spécialisée de terrain (BST) seraient alors arrivés « matraques à la main » et auraient foncé sur eux. Les amis prennent alors peur, s’enfuient et escaladent un mur derrière la cité. Là, un TER passe et happe les quatre jeunes.

L’affaire met immédiatement ce quartier populaire lillois en ébullition. D’autant que, dans un premier temps, le procureur de la République affirme qu’aucune patrouille de police n’était présente au moment du drame. Le samedi 16 décembre quelques violences éclatent et six voitures sont brûlées par une trentaine de jeunes.

Il faudra plus d’une semaine pour que le ministère public fasse marche arrière. Des policiers de la BST étaient bien présents. Mais, affirme le procureur, ils avaient été appelés pour une bagarre, terminée à leur arrivée et ils n’ont procédé à aucun contrôle ni poursuivi les jeunes. Pour beaucoup, l’affaire ressemble beaucoup à celle de Zyed et Bouna, morts dans un poste électrique à Clichy-sous-Bois, en Seine-Saint-Denis, alors qu’ils fuyaient la police. Les émeutes de 2005 sont dans toutes les têtes.

Lors de la marche blanche du 13 janvier, une banderole de tête de cortège le rappelle : « Hier Zyed et Bouna. Aujourd’hui Selom et Matisse. » Mais un mois après les faits, le quartier s’est apaisé. Aucune voiture n’a brûlé depuis le 18 décembre. Et, le jour de la marche, la présence policière est relativement discrète.

Le cortège, qui a défilé entre la place Pierre-Degeyter et la cité Saint-Maurice, s’est avancé dans le calme, les forces de l’ordre restant à distance des quelques centaines de personnes (entre trois cents et cinq cents) ayant répondu à l’appel des familles et du collectif CRIME Lille (Contre la répression des individus et des mouvements d’émancipation).

Quant à la question, « Pourquoi ont-ils fui ? », les habitants n’ont pas la même réponse. Pour certains, ce drame n’est qu’un accident, conséquence indirecte d’un ras-le-bol d’une partie de la population vis-à-vis de groupes de jeunes se livrant au trafic de drogue en pleine rue et terrorisant le quartier lors de rodéos. Pour d’autres, il est la conséquence d’une pression policière accrue depuis plusieurs mois, avec l’arrivée de « gros bras » envoyés pour nettoyer le quartier et accusés de violences.

Assa Traoré et le père de Selom © Julien Pitinome

Un débat qu’Assa Traoré, sœur d’Adama Traoré venue soutenir les familles, a abordé de manière frontale peu avant le départ du cortège.

« J’ai entendu une dame tout à l’heure demander : “Mais pourquoi les jeunes ont-ils couru ? S’ils n’avaient pas couru, peut-être qu’ils ne seraient pas morts”, a-t-elle lancé au micro. Pourquoi ces jeunes courent ? Parce que nous avons une police et une gendarmerie indisciplinées. Quand ils viennent dans nos quartiers, quand ils sont en face de nos jeunes, ces derniers sont déshumanisés à leurs yeux. On ne les voit même plus comme des personnes. »

Lire la suite :
https://www.mediapart.fr/journal/france/100218/apres-la-mort-de-selom-et-matisse-le-quartier-de-lille-fives-s-interroge-sur-sa-double-identite?onglet=full

Tag(s) : #Informations Nationales
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