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[Témoignage] Passage éclair en Palestine occupée

Le 10 mai par Meïssa et Tofayl

Lundi 27 avril, 14h30. Notre avion atterrit à l’aéroport de Ben Gourion, Tel Aviv, Israël. C’est le début de notre voyage tant attendu en Palestine. Voyage qui durera 24h, durant lesquelles nous ne verrons même pas la lumière du jour. Suite à six mois de préparation, de nombreuses réunions, des rencontres prometteuses, de beaux projets et surtout l’espoir de rencontrer enfin le peuple palestinien, notre voyage sera écourté après à peine plusieurs heures passées dans les cellules sionistes.

Après avoir traversé les longs couloirs de l’aéroport, dont les murs sont recouverts d’affiches publicitaires incitant au tourisme en Israël, l’une d’entre elle retient particulièrement notre attention : « Visit Israel : you will never be the same ». Après 24h passées à subir les pratiques arbitraires de cet état, le slogan a tenu sa promesse.

Nous nous retrouvons au passage de frontière et, sur recommandation de nos camarades étant déjà partis en Palestine auparavant, nous évitons les postes de contrôle tenus par des femmes, qui seraient plus arrogantes et plus strictes. Manque de chance, le soldat en civil derrière sa vitre prend sa pause et une femme soldat le remplace. Devant nous, une autre camarade faisant partie de la mission passe sans problème. Il n’en sera pas de même pour nous.

Sous les conseils de camarades et connaissances étant déjà partis en mission de solidarité, chaque membre du groupe doit déclarer tourisme comme motif du voyage. En effet, porter un nom à connotation arabe et avoir des opinions politiques constitue en soi un délit pour la « plus grande démocratie du Moyen Orient ».

C’est pourquoi à la première question de la douanière : « Quel est le motif de votre voyage ? » nous répondons « tourisme ». Après quelques questions sur les liens nous unissant, on nous questionne sur nos origines, malgré nos passeports français : « Comment s’appellent vos parents ? », « Sont-ils nés en France ? » « Quand sont-ils arrivés en France ? », « Comment s’appellent vos grands-pères ? ».

Immédiatement après avoir répondu à ces questions, la douanière presse un bouton et saisit son téléphone pour appeler quelqu’un. Dix secondes plus tard, une personne emporte nos passeports et nous demande de la suivre. Pourtant, la troisième personne de notre groupe, dont ni le prénom ni le nom ne porte une connotation arabe, s’est vue délivrer immédiatement un visa.

On nous installe dans une petite salle, où d’autres passagers attendent comme nous des nouvelles de leur passeport.

Dix minutes plus tard, on vient nous chercher un par un. Un agent parlant un français parfait nous interroge : « Quel est le motif de votre séjour ? », « Etes-vous déjà venu en Israël ? », « Où allez-vous séjourner ? », « Notez sur ce papier vos numéros de téléphone et adresse mail », « Que faites-vous dans la vie ? » « Comment s’appellent vos parents et grands-parents ? », etc.

Pendant ce temps, un autre agent prend note de nos dires sur un ordinateur. Puis, l’agent parlant français quitte la salle. Nous ne le reverrons pas, la suite de l’interrogatoire se fera en anglais.

On nous renvoie dans la salle d’attente, puis un colosse vient chercher le premier d’entre nous et l’emmène dans son bureau. Au mur, deux cadres de Netanyahou, le criminel international, un grand drapeau israélien, une carte du monde et une photo de Jérusalem. Sur le bureau, deux agrandissements de nos passeports. Le colosse israélien annonce la couleur : « On va être très clair avec toi : on sait que tu mens, donc si au bout de cet entretien tu n’as pas voulu coopérer, c’est retour direct chez toi ». Etant psychologiquement préparée, car ayant été prévenue des pratiques de déstabilisation des agents du renseignement, j’affronte sereinement le questionnement : « Pourquoi Israël et pas un autre pays ? Où allez-vous vous rendre en Palestine ? Qui connaissez-vous en Palestine ? On sait que vous connaissez quelqu’un à Gaza. Pourquoi voyagez-vous avec un seul téléphone pour trois ? ».

Nous avions décidé de prendre un seul téléphone pour trois, ce qui apparemment constitue en Israël un délit de terrorisme, car c’est sur ce point que l’agent de renseignement insiste fortement. Après avoir été insultée de menteuse, de malhonnête, m’être fait menacée et criée dessus, le bourreau change de victime.

A son tour, elle subit les mêmes interrogations, la même humiliation, le même manque de respect. Pendant des heures, c’est un travail psychologique qu’on nous fait subir, on s’adresse à nous comme à des coupables, comme si nous étions des criminels dangereux. On nous ressasse sans cesse les mêmes questions : « Qui connais-tu en Israël ? », « Pourquoi es-tu ici ? ».

Les deux agents de renseignements nous traitent comme des moins que rien : ils nous posent des questions puis ignorent nos réponses, nous disent « Shut up ! » quand ça leur chante, nous disent d’ouvrir la porte puis de la refermer aussitôt, nous chassent brutalement du bureau : « get out of here !!! », puis nous rappellent aussitôt, nous envoient se chercher l’un et l’autre en des temps records : « Tu as 10 secondes pour aller le chercher ! », nous humilient publiquement et crient nos prénoms dans l’aéroport comme si on appelait des chiens, et j’en passe…

Lire la suite :
http://www.agencemediapalestine.fr/blog/2015/05/10/temoignage-passage-eclair-en-palestine-occupee-par-meissa-et-tofayl/

Tag(s) : #Palestine
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